mercredi 12 novembre 2014

A bas les reprises

La volonté d'un auteur qui voudrait, ou ne voudrait pas, qu'on reprenne (ou pas) sa série après sa mort est anachronique. Et fait état d'un orgueil démesuré ("je suis mort, mais je suis encore là à décider des trucs"). C'est pas parce qu'Hergé ne voulait pas qu'on reprenne Tintin qu'il ne faut pas le reprendre (et Moulinsart n'est pas contre en plus : ça se fera).
Non : il ne faut pas reprendre les séries d'antan parce que c'est inutile, ça fait mal, c'est réac et ça endors.

Bon quand même, les reprises m'ont toujours intéressé.
D'abord parce qu'on peut y voir un genre d'hommage, et que ça, ça me plait (c'est ce dont il est question tout au long de ce blog). Et puis parce qu’on peut y déceler, dans la ré-interprétation, un peu du caractère de l’œuvre original (son essence) et de celui de son repreneur (son angle de vue). On peut y sentir aussi la petite chaleur qui accompagne l'étincelle de la création, dans la manière dont on imagine que l'auteur s'est approprié son héros.
Les dessinateurs ont d'ailleurs toujours repris. Le recopiage de case, de planche, et même d'album entier pour certains, est une bonne façon pour le dessinateur débutant d'apprendre, de comprendre le geste de ses ainés, pour trouver finalement sa propre voie. C'est un moyen d'avancer plus rapidement en se servant de l'expérience des maitres. Pour exprimer ce qui est enfoui bien profond. La petite chaleur au sujet de laquelle je parlais tout à l'heure.
Une fois son style trouvé, l'auteur s'essaye plus tard à des images orphelines, créées pour des expos, des revues, des hommages post-mortem... Elles sont très intéressantes, souvent intelligentes, et peut-être un peu courtes pour le coup. Tiens, j'aurais aimé voir bouger le Spirou de l'illustre Prudhomme par exemple.
Les séries dérivées de Spirou ont le bon format, même si des récits encore plus courts auraient été suffisants. Et puis c'est dans l'histoire de ce présentateur de journal, de passer de main en main. Un truc basé sur l'état anarchiste du personnage qui n'appartient pas à son auteur, qui en fait ce qu'il en veut. Ça a du marqué Jijé, qui n'avait pas l'air d'être très propriétaire de ses séries... qu'il confia à ses "élèves" alors qu'il se consacrait à sa grande œuvre. Jijé, encore, a repris Blueb un temps pour rendre service à Giraud, ou à Pilote...
Quand Juillard reprend Blake et Morti, je trouve qu'il gâche son talent, qu'il perd son temps. Il enfile un costume pour jouer la pièce d'un autre. Dans sa reprise, il joue, mais nous : on le perd. Les reprises de Jacobs sont tellement dans le moule, qu'elles ne peuvent être que décevante : là où Jacobs pouvait se permettre d’innover, ces parodies sont figées dans un temps qui n'existe pas. Je me demande toujours "mais pourquoi continuent-ils ces séries ?". C'est juste à cause du fric, banane ! C'est comme s'il choisissait sa prison, des chaussures pas à lui, pas à sa taille. C'est pas facile de faire un marathon, mais j'imagine que passé la ligne d'arrivé, Juillard doit être content de lui, comptant ses ampoules. Mais il est quand même à coté de ses pompes.
Juillard, en fait, je lui pardonne parce qu'on sent son amour pour les héros originels. Mais les Conraderies (Marsu ou Asterix), Boule et Bill !!! Ça, vraiment, c'est pas possible de tomber si bas !
Les reprises concernaient plutôt des personnages chéris des repreneurs (Blake et Morti ou Spirou). C'était sans compter le bizness. Qui a été fan de XIII au point de harceler l'éditeur pour enfin dessiner un gars de face pendant 46 pages ? Yann était-il tellement groupie de Van Hamme au point de se précipiter pour diluer dans sa sauce sans saveur un personnage complètement lessivé ? Ou Fabcaro (mon dieu le putain de choc) qui depuis tout ptit voulait, hop, reprendre la logorrhée de Greg dans une modernisation stupide d'un personnage déjà désuet en son temps.
Non non. Laissons de coté ce coté obscur. Quoi que. Me demande si c'est pas devenu à présent la principale motivation des gentils auteurs de ce monde merveilleux de la bayday. Qui inondent les étals des librairies d'un vide immense qui les asphyxie ! La prise de risque est minime... une reprise, un spin off, un préquel : ça va se vendre ! Le monde est à la consommation ? Fabri-cons et con-sommons !

Du coté du lecteur, hormis cette curiosité, qu'est-ce qui peut bien faire perdurer le suivi compulsif d'une série abandonnée par son créateur ?
On continue d'acheter ce qui ressemble à ce qu'on a aimé par nostalgie... se dire qu'on à toujours 12 ans, qu'on est le même aujourdhui que le gamin qui attendait et découvrait les nouvelles aventures de Machin.
Et puis il y a l'habitude... On a toujours acheté Asterix... le nouvel album sort (on est au courant parce que c'est placardé partout) on l'achète ! Normal. Sauf qu'on a oublié qu'on achetait les Astérix parce qu'ils étaient bons. Pavlov nous a gagné ! On a arrêté de réfléchir. Le repreneur est vénale, mais le lecteur est un con. Peu ou prou.

Quand les chaussettes sont trouées, faut les mettre à la poubelle finalement.

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