Je viens de finir, très difficilement, Deadline de Rossi et Bollée, où il semblerait qu'un jeune soldat soit tombé amoureux d'un de ses prisonniers noirs. Je dis "semblerait", parce que rien n'est moins sûr. On nous le dit, mais on ne le voit pas. Aucune émotion dans ce récit perdu. Il est décousu (ah ! les flash-back dans les flash-back !! belle idée), les dialogues et les récitatifs sont irréels (des gens y parlent ?), la progression du récit n'aboutit à rien... mais qu'est allé faire Rossi avec ce poussif Bollée (je me posais déjà la question de ses orientations pour Paulette Comète d'avec Sapin). Que fait Bollée à nous pourrir nos auteurs favoris !! C'est que j'aime tellement Rossi, ses dessins, sa mise en page, l'intelligence de son récit, ses couleurs, que j'attends de lui un peu (beaucoup) mieux... en particulier qu'il ne perde pas son temps à ça.
Bref.
Suite aux sorties houleuses de toutes part au sujet de Le bleu est une couleur chaude, la question de l'homosexualité dans la BD a rejailli un peu. J'ai lu un étonnant brûlot à l'encontre du livre (de Julie Maroh) et du film (La vie d'Adèle de Kechiche) dans le dernier Zoo. Ce qui m'a fait marrer, c'est que les auteurs de l'article comparent la BD aux autres BD "gay", et non pas aux autres BD tout court. Et ce qui m'a encore plus fait marrer (je suis très gai en ce moment), c'est qu'ils placent Le journal de Neaud en référence de ce qui se fait de bien dans le genre. En effet, dans le style "histoire à l'eau de rose", Neaud se pose bien là ! J'ai aimé ses récits autour de l'art dans BAM ou BANG et j'ai lu ses deux premiers Journal en plaignant ce pauvre petit ado qui n'ose pas entrer dans le vie et se confie à son journal intime (avec hello kitty en couverture) !! Cet auteur méprisant et élitiste fait ses bouses chez Soleil aujourdhui !
Je n'ai pas lu le bouquin de Maroh, mais si c'est pire que Neaud, alors ça doit être très pire. Leur autres référence en la matière est Bechdel (pour la parité, il fallait un gay et une lesbienne), dont Fun home hante ma bibliothèque sans beaucoup de relief. Il n'y a pas de BD homo, et j'espère qu'il n'y en aura pas. Comme il n'y aura pas de BD de femme (Artémisia pense le contraire), et qu'il n'y a pas de BD "black". Les BD militantes et prosélytes sont souvent guidées par la seule idée, et non par un récit à mettre en œuvre. J'ai une sale manie, c'est de catégoriser... mais ce genre de genre, je trouve ça insupportable (c'est ce genre de chose qui participe à mon dénigrement à l'encontre du manga).
Je trouve les bouquins de Lepage merveilleux. Il y parle d'homosexualité : dans Névé : d'un adolescent qui s'éveille à la vie, à l'amour, dans Muchacho : d'un apprenti curé dans la tourmente d'une révolution... autour de lui et en lui. Ce ne sont pas des livres militants, ce sont des livres simples et beaux, et universels.
C'est vraiment parce que mon libraire m'a foutu Zoo dans les pattes, et que j'avais un aller-retour en train à Montpellier que je l'ai feuilleté un peu avant de le mettre à la poubelle. Zoo ne mérite pas mieux.
Dans le Delcourt planète, on nous annonce face à face la parution de La lesbienne invisible de Sandrine Revel, et de Romain & Augustin de Thomas Cadène, qui surfe sur toutes les vagues en vogue. Encore cette jolie parité de bon aloi... très très correcte.
Et puis ailleurs : Paco de Sagot et Vehlmann (que je lirai sûrement) parle de relations sexuelles au pénitencier (entre hommes donc), Mauvais genre de l'excellente Chloé Cruchaudet raconte un travesti obligé, qui prend goût à la chose (aux choses), le nullissime Gisèle et Béatrice de Feroumont (qui a réduit à néant tous les espoirs que j'avais en son joli dessin) transforme à moitié des filles en garçon, et vice-versa... comme Arleston le fait dans Ploneis l'incertain et dans Ekhö dans le Lanfeust mag du mois. On tombe parfois dans le pire ! Dans le Manara des derniers jours, mais avec des gros nez.
Alors, voilà. J'ai trouvé ça étonnant que tous ces livres sortent en ce moment, en résonance avec l'actualité. Oui donc en fait : c'est pas si étonnant : c'est super bien planifié.
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