mardi 29 septembre 2009

La raison du récit

Il est temps de faire un point. Je crois bien que si. Faut qu'on parle, asseyez-vous tiens.

C'est quoi la BD ?
Les péteurs alti-céans évoquent fièrement le ROMAN GRAPHIQUE. En sous-entendant : ce n'est pas de la BD (ça s'écrit pas pareil), c'est plus mieux (ils l'ont dit dans télérama et sur france inter).
A coté, les lecteurs des tuniques bleus rejettent le noir & blanc parce que c'est trop intello ! Pas loin, il y a les amateurs d'aventures (avec des héros couillus mais honnêtes) un peu perdus au milieu des masses de nouveautés...

J'aurais tendance à dire que la vérité est au milieu de tout ça ! Mais ce serait trop facile, et je ne veux pas rentrer dans une sorte de consensus mou.

J'ai fait toutes les erreurs possibles, en tant que lecteur. Je ne dis pas que je n'en fait plus, mais maintenant que j'ai 64 ans (m'aimerez-vous toujours ?) j'ai atteint l'orée de la sagesse.

J'ai aimé Tintin, puis Luc Orient. Et Comanche, Blueberry, Chick Bill...
J'ai aimé le beau dessin, le truc à l'épate, le machin nouveau qu'a jamais été fait. Tiens : les débuts de Delcourt avec les enfants du Nil, par exemple. Un souffle nouveau...
J'ai aimé Trondheim, Blutch, des obscurs machins à l'assoce (j'ai 3 vieilles cartes d'adhérent dans un coin) ou chez Cornélius. Récemment, j'ai découvert Vivès par le biais de Trouillard...

Et c'est là que j'ai tout compris !

Tout ?

Vivès s'en sort pas mal avec son dessin, mais a encore tout à apprendre. Son talent réside dans la capture des émotions, de moments intimes et vrais... Mais il ne raconte rien !! Il reste en surface, découvre le monde sans le comprendre : un spectateur.
Blutch, un de mes auteurs préféré, dont le premier trait a décoché la mouche de mon âme, a commencé à m'horripiler quand il s'est égaré sur les chemins de sa création : il s'est perdu dans son Peplum, a pété un câble dans Vitesse moderne... et tout le monde s'est efforcé de croire que son triptyque futuropolique avait encore un sens narratif... alors qu'il a affirmé lui même que c'étaient des livres d'illustrations. Un petit monde bobo, méprisant et fat, qui s'auto-rassure...

Menu s'enfonce dans ses incohérences artistiques, sa schizophrénie Spirou-Labo/Futuro... Il est en crise d'adolescence perpétuelle... et on ne cause pas avec un ado en crise... on le laisse grandir, si il veut...
La BD populaire se perd dans de l'aventure sans humanité, sans rêve, au ras-du-sol d'une soupe vomie et remachée, encore et encore... parce que le peuple n'aime pas la surprise...

Je ne relancerai pas la polémique sur l'autobio qui trouve son apogée sur internet. Les auto-blogs ! parce qu'à part "faut l'avoir vécu en direct, avoir lu tous les commentaires et les blogs de ceux qui les laissent" (faut passer combien de temps sur son ordi pour arriver à être membre de cette caste ?), leur défense est dans les cages. M'enfin les geeks : avec un crayon on s'essaye aux hachures, aux pointillés... avec internet je n'ai pas vu pas une seule utilisation pertinente de l'outil (tiens, Marc Antoine Mathieu aurait trouvé des trucs excellents, chuis sûr). Les blogs sont plus performance qu'exposition.

La solution est cette fameuse voie intermédiaire, tracée autour du récit... de ce qui doit être raconté. Avec un ton propre à chaque auteur, mais avec un récit : un truc qui se développe, avec une tension, avec de l'émotion... Cette 3ème voie, évoquée par Vehlmann, mais qu'il n'explore par franchement brillamment. Cette 3ème voie, dont les champs vierges s'étendent à perte de vue sur les ruines des deux vieilles tours indéboulonnables...
Et puis avec un dessin, évidemment ! Mais les flamboyants sans âmes, ou les médiocres qui s'en foutent, font boiter la BD... lui retirant 1/2 point... (en hommage à Fellini ?). Le bon dessinateur trouve sa place, avec un dessin réaliste parfaitement au service du récit, ou en interprétant la réalité avec trait fleur-tant avec un certain réalisme.

La BD est riche de tout ça... C'est pourquoi la BD classique, qui à force de donner des héros en creux, pète ses suspensions dans les nids de poules. Et pourquoi la nouvelle (plus tant que ça) BD, à force de mettre en place des univers sans les animer, est tellement décevante.

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