mercredi 17 décembre 2008

Exauce-nous

C’est l’histoire de Léo, un type un peu simplet, qui pose en permanence la même question, il est en quête d’une femme. Cette histoire est vue à travers le héros du livre, Frank, écrivain free-lance.
Comme souvent avec Makyo, et c’est ce qui m’intéresse chez lui (Ikar, Le cycle des deux horizons et Le jeu de pourpre), il y a une dimension spirituelle, du moins, un point de vu un peu plus élevé sur les choses, permettant d’ouvrir certaines portes. Et ça n’est pas un hasard si l’artiste, amie de Frank, ne peint que des portes ouvertes.


Il est beaucoup question de souvenirs… de se rappeler et d’oublier. On rencontre un facteur qui aimerait oublier. Et bien sûr c’est Léo, qui a tout oublié, d’un drame à découvrir.
Il est question du bonheur, et d’une quête du bonheur. Un personnage énigmatique est englué dans une sombre histoire de vente de porte-bonheur à une étrange mafia… n’attirant finalement que le malheur à ses proches.


Il est question de quête, du bonheur donc, mais aussi, et c’est ce qui guide le récit, de vérité sur l’identité de Léo. Frank veut savoir qui est cette femme qu’il cherche sans cesse. Bon, on devine dès les premières pages de qui il s’agit (ses parents sont morts, et on l’imagine mal avoir une relation avec une femme).
Il est question de chance. Et d’où vient cette chance. La chance fabriquée, trafiquée, ne porte pas bonheur. Mais la chance offerte par Léo le simple d’esprit, sur la base de son seul souhait, ouvre toutes les portes.
Mais le sujet principal du livre est la médiation entre ‘’ce’’ qui offre la chance et nous. Le titre du livre est basé sur le titre de la pièce de théâtre, qui se rejoue dans la salle où Léo est agent d’entretien. Il est question d’une parabole d’un vieux soufi  et d’un sultan… Et c’est Frank qui découvre le ‘’don’’ de Léo, sorte de vieux soufi, et en joue pour apporter le bonheur à ses proches… mais pas à ses fins personnelles. Léo imagine, voit, et la chose se réalise. Léo n’est pas dieu, il organise les choses, pour qu’elles se réalisent. Très bouddhiste donc, l’histoire du papillon et de la destinée… ‘’ça se passe’’. Je pensais qu’il y avait un jeu entre ‘’t’inquiètes pas : ça va te passer’’ et ‘’ça va arriver’’…

Coté dessin, c’est parfait. Je n’ai rien lu de Bihel auparavant… J’ai acheté cette BD sur les seuls label Makyo et Futuro. Les couleurs comme j’aime, des tronches qui ont vécues, des attitudes et des expressions naturelles. La scène d’ouverture est par contre complètement inefficace : l’alternance des cases blanches et noires, pour signifier les extinctions des projos, insupportables à Léo, ne donne pas à la lecture cette sensation, sans doute à cause de la grande taille des cases… c’est un truc sans doute pas facile à réaliser en BD. La scène finale de la révélation, où sont incrustées les scènes de flash-back, est assez bien conçue. Classique, mais bien rythmée, au moment où le sang tape à nos tempes.
 

Coté scénario et ce qui s’en suit, certains détails m’ont incommodé. Certaines ficelles scénaristiques. D’abord, celle qui consiste à prendre pour héros un scénariste, comme les films qui parlent de films (la nouvelle vague), ou le théâtre qui parlent de théâtre (Tchekov en premier lieu). Ca part du nombril, ça fait en dehors de la vie… Le barman soumet même l’hypothèse qu’on pourrait faire une histoire avec celle de Léo… ce que Frank s’empresse de faire… Puisque Frank, c’est Makyo.
C’est tellement mieux quand un scénariste s’efface !!
Et puis, pour nous faire connaître Léo, les personnages qui le connaissent depuis longtemps, posent soudain les questions que le lecteur se pose à peine (on devine l'essentiel). C’est une erreur immense, de nous prendre pour des idiots. La scène de l’accident est trop téléphonée… et ça n’est pas à mettre au compte du dessinateur. Il ne fallait pas qu’on voit les agresseurs : ça n’apporte rien de voir la préparation de l'accident... puisque par essence c'est accidentel !!!
Les dialogues sont nickel, les caractères finalement bien décrits, des gouttes de mystères quand même présentes (le fait que René soit remisé à part par Léo est un mystère, et on se fout d'en connaître la raison, parce qu’on ne peut pas tout savoir, parce que c’est comme ça la vie).
Il en ressort des messages simples, du genre : apporter le bonheur aux autres, s’offrir, ouvrir les portes... Messages un peu matraqués, un peu portés par de grosses ficelles, et des indices un peu voyants…
Il reste une part de mystère, sur le fabriquant de porte-bonheur, et sur l’origine du don de Léo (trop de malheurs l’ont ouvert sur un désir immense de réaliser le bonheur ?). Makyo donne des indices, des messages sur ce qui est derrière la vie… J’adore ça. C'est un livre qui ne m'a pas laissé indifférent, qui fait vibrer quelque chose en moi... et c'est assez rare.

Alors bien sûr, j’ai fondu en larme à la dernière page, malgré la grosse perche fleur bleue tendue par Makyo… je me laisse prendre au piège comme une gonzesse… Je suis fleur bleue finalement. Et puis j’ai un gros problème avec les gens qui meurent.


... et dites moi...

Je croyais acheter une nouveauté la semaine dernière, mais en cherchant les illustrations de cet article, je suis tombé sur le forum bdgest : c'est sorti en septembre, inaperçu à l'époque.

Bihel et Makyo
Exauce nous
2008, Futuropolis
14/20

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