samedi 8 mars 2008

Carte blanche à Yann

La jeunesse de Yann est fougueuse et explosive.
Rien à voir avec ses Nuits blanches, Yoni, Eternels, Prince des écureuils... Enfin, le ton quand même, qu'on retrouve encore un peu aujourdhui...

Ses débuts sont mythiques, et je reviendrai dans quelques temps sur sa collaboration avec l'immense Chaland et le grand Bodart (mais fainéant).

Yann est né avec Spirou, en dessinant quelques Cartes blanches, sorte de radio-crochet de la BD. Mais sa liberté est lisible quand il déménage chez Glénat, dans la collection "sale caractère" (le pendant sale gosse de la prestigieuse collection "caractère" de ce même éditeur). Il scénarise deux séries extraordinaires, légendaires notamment parce qu'elles sont introuvables, ou à des prix exagérés chez les bouquinistes.
 
Bob Marone est librement inspiré des navets de Vernes, adaptés en BD dans un premier temps par Attanasio et Forton. Puis par Vance, qui en a dessiné un bon paquet dans le journal tintin, repris ensuite par son beau-frère, Felicisimo Coria. A Angoulême, Conrad avouait n'en avoir pas lu. Yann s'inspire du manque de réalisme et des ficelles énormes de ces histoires pour imaginer une machine à voyager dans le temps, sorte de chronoscaphe jacobsien.
Mais Bob Marone est humain, il n'est pas englouti par les assauts de monstres à tête de crapaud, par les courses poursuites, les rebondissements obligés d'une histoire creuse. L'histoire débute par un retour de Bob à la maison familiale, en compagnie de son amant Bill, grand garde de son petit corps. On sent l'ombre lourde de son père disparu, planer sur la maison, mais surtout sur ses épaules. Car même si Bob est un aventurier célèbre, le Colonel était quelqu'un ! Et à cause de leur ressemblance physique, Bob est pour tous le succédané de son père ! Il a du mal à trouver sa place, d'autant qu'il est entrainé dans l'aventure par une mère manipulatrice, acceptant bien son homosexualité, mais lui balançant dans les pattes la femme de son meilleur ami, avalé par le passé.
Il est assez rare qu'on parle d'homosexualité en BD. Bon, excepté les gais dessinateurs Neaud (qui m'horriblepile avec son coté midinette-mais-quand-même-backroom) et Konig (dans les backroom hard des backroom à bites !!). Et aussi dans Névé et Muchacho de Lepage (très tendrement), et dans Un monde de différence de Cruse, Fun home de Bechdel, un peu dans The summer of love de Drechsler, Omaha de Waller et Worley... Bon, j'arrête de chercher, il y en a pas mal finalement ! Mais Yann a montré pour la première fois (je m'avance un peu) dans une BD franco-belge, deux héros assumant leur sexualité. Parce que Alix et Enak, Lefranc et Jean-Jean, Tintin et Haddock, Spirou et Fantasio... on se doute bien. Ce n'est pas le sujet, c'est anecdotique, c'est sans doute aussi pour déranger, mais c'est fait très simplement.

La parodie a ses limites, et le second degré pas facilement atteint. Ça devient un peu du Bob Morane finalement, donc sans grand intérêt.

La patrouille des libellules est beaucoup plus éclatante. Elle est emmenée par Rainette, au caractère bien trempée de vrai scoute (on dit guide), entourée d'Haridelle, fidèle parmi les fidèles, et de Génisse, Punaise et Tortue. Ces jeunes filles, sous la tente, vont aussi découvrir la sexualité (qui est finalement en toile de fond de nombreuses BD de Yann).

La patrouille adopte Lynx, scoute voyouse qui voulait être scout, et ensemble, arpentent la vie, peuplée de communistes anticléricaux, de curé dévoyé, d'occupation. Elles suivent De Gaulle à Londres, sauf Tortue, qui accompagne son oncle, déporté à Auschwitz.
C'est une BD très sombre, où on rit parfois de l'humour judéo-british de Yann. Je regrette que la série soit inachevée.

Cet esprit destroy est visible aussi dans ses collaborations avec Bodart (Nicotine Goudron contre le Sida et Célestin Speculoos dans la chienlit).

Conrad et Yann - Bob Marone
#1 et #2 : Le dinosaure blanc - 84 et 85 Glénat
11/20

Hardy et Yann - La patrouille des Libellules
#1 à 3 - 85 à 88 Glénat, sale caractère
12/20

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